C’est dans la série Zorro que j’ai découvert avec mes yeux d’enfant cette technique qui permet de tourner de jour des scènes sensées se dérouler la nuit.
Un peu d’histoire
François Truffaut a donné le nom de « nuit américaine » à son film pour rendre hommage à cette technique très utilisée jusque dans les années 1980.
A l’époque, les caméras avaient besoin d’énormément de lumière pour que le sujet soit correctement exposé à l’écran. Les tournages de nuit étaient donc techniquement très compliqués et très chers à mettre en place sans compter le prix des heures de nuit pour les techniciens.
La technique
Pour construire une nuit américaine, on utilisait généralement en plus d’une sous-exposition de la pellicule des filtres directement placés sur l’objectif de la caméra. Des filtres généralement bleus pour les films en couleurs et rouge ou vert pour les films noir et blanc. On pouvait aussi y ajouter un filtre polarisant pour améliorer le rendu du ciel (un tuto sur le sujet arrivera bientôt).
L’œil humain distingue très mal les couleurs dans la pénombre (d’où l’expression « La nuit tous les chats sont gris »), il se concentre sur les formes et les contrastes. C’est pour cela que l’on utilise le filtre coloré qui va « casser » les couleurs et le bleu est pour l’inconscient la couleur froide de la nuit.
De nos jours ces filtres peuvent être ajoutés en post-production grâce au numérique mais à l’époque tout était fait au moment du tournage.
Des pellicules infra-rouges ont parfois aussi été utilisées : le ciel apparaissait noir et la peau des acteur blanche.
Cette technique a été utilisée pour la première fois dans le film Nosferatu le vampire, réalisé en 1922 par l’allemand F.W Murnau. Il était très important pour le scénario (et pour notre vampire) de différencier clairement le jour, le nuit et l’aube. Le réalisateur a donc utilisé un filtre pour chacun de ces moments : un filtre jaune pour la journée, un filtre bleu pour la nuit et un filtre rose pour l’aube.
Voici un extrait de ce chef d’œuvre :
La reconnaitre
Cette technique très économique et plutôt simple à mettre en œuvre (en tous cas plus qu’un tournage de nuit) présente inconvénient majeur de ne pas être réaliste. Les puristes répondront à cette critique que la définition de la nuit américaine est de tourner de jour une scène censées se dérouler « diégétiquement » la nuit. C’est à dire qu’il s’agit d’une sorte de convention entre le cinéaste et le spectateur qui « comprendra » que la scène se déroule de nuit.
Il est souvent possible de reconnaître une nuit américaine grâce à des indices difficiles à cacher par le cinéaste :
- La couleur bleue généralement trop marquée et surréaliste.
- Le ciel est souvent beaucoup trop lumineux empli de nuages très visibles.
- La présence d’ombres très marquées.
Voici un épisode de Zorro, série dans laquelle la nuit américaine a été beaucoup utilisée. On trouvera dans chacun des épisodes au moins une scène tournée en nuit américaine. Outre le plaisir de revoir un épisode de cette série de notre enfance, retrouvez une nuit américaine à partir de la 16ème minute.
http://www.youtube.com/watch?v=eQbMm35dZRs
Et aujourd’hui?
Cette technique est très peu utilisée aujourd’hui surtout dans les films à gros budget. Il reste néanmoins des cinéastes attachés à cette technique (et aussi limités par la budget) qui savent utiliser la nuit américaine avec brio. C’est le cas de Francis Ford Coppola dans son film auto-produit Twixt dont voici la bande annonce. Dans ce film, la nuit américaine apporte une note blafarde et glauque aux scènes de nuit contrastant avec les scènes de jour aux couleurs criardes.